Pourquoi une course inaugurée en 1986 qui compte seulement 15 athlètes ayant traversé le fil d’arrivée est-elle autant populaire? Encore une fois en 2022 le Barkley Marathon n’a vu aucun coureur traverser la ligne d’arrivée la semaine dernière. La tenue de l’événement plus tôt qu’à l’habitude a pris le monde de la course en sentier par surprise sur les réseaux sociaux. La course qui est habituellement au début avril a été devancée sans trop de préavis… ce qui fait honneur à la mission de cette course : l’inconfort et la limite des capacités humaines de ses participants.
Sa création
La course a été fondée par Gary « Lazarus Lake » Cantrell et Karl Henn (Raw Dog) qui ont été inspirés par l’évasion de James Earl Ray, l’assassin de Martin Luther King, en 1977 du pénitencier voisin de Brushy Mountain State, au Tennessee. En 55 heures dans les bois, Ray n’a parcouru qu’environ 12 km en se cachant des recherches aériennes pendant le jour. Lazarus Lake, ou tout simplement « Laz », s’est dit : « Je pourrais faire au moins 100 miles dans ce temps-là », se moquant du faible kilométrage de Ray. Ainsi, les marathons de Barkley sont nés. Laz a nommé la course en l’honneur de son voisin de longue date et compagnon de course, Barry Barkley.
Afin de comprendre pourquoi cette course est autant populaire, il faut comprendre en quoi consiste la compétition.
Inscription à l’événement
Seulement 40 participants sont admis chaque année à la course. Étant donné que la Barkley n’a pas de site internet, les exigences et les délais de soumission d’une demande d’inscription sont un secret bien gardé sans aucun détail annoncé publiquement. Les candidats doivent donc trouver un moyen d’entrer en contact avec Laz. Une fois en contact, les participants potentiels doivent rédiger un texte qui explique : « Pourquoi je devrais être autorisé à courir dans le Barkley », payer des frais de 1,60 $ et remplir d’autres conditions susceptibles d’être modifiées. Si le participant est accepté, il reçoit une « Lettre de condoléances » l’informant de sa sélection. Et ce n’est pas tout !
Une fois arrivée sur le site de compétition les coureurs qui participe à la Barkley pour la première fois, connus sous le nom de vierges du Barkley (Barkley virgin), doivent apporter une plaque d’immatriculation de leur état/pays/province dans le cadre de leur inscription. Pour ce qui est des coureurs ayant déjà participé à la course, mais qui non pas terminé celle-ci, ils doivent apporter des « frais » supplémentaires qui, dans le passé, comprenaient des éléments tels qu’un t-shirt blanc, des chaussettes ou une chemise carreautée (flannel shirt) en guise de don pour ne pas avoir terminé la course. Ces dons sont apparemment basés sur les besoins de Laz. Finalement, en ce qui concerne les anciens finissants de la Barkley qui reviennent courir à nouveau, ils doivent apporter un paquet de cigarettes Camel dans le cadre des frais d’inscription… vous l’aurez deviné ces cigarettes sont bel et bien pour Laz également ! À noter que le dossard numéro 1 est toujours réservé à la personne jugée la moins susceptible de terminer un tour parmi ceux qui sont inscrits. Laz l’appelle le sacrifice humain !

Le parcours de la Barkley Marathon
Initialement la Barkley Marathon était trois tours. Cependant, puisque c’était trop facile et que plusieurs coureurs réussissaient à compléter trois tours l’organisateur a affirmé que finir trois tours de la course ne représentait plus qu’une « Fun run » pour compléter la course il faut maintenant terminer 5 tours. Chaque tour est de 20 miles selon Laz. Mais il s’agit plutôt de 26 miles par tour selon les participants… vous avez bien lu des miles, c’est donc approximativement 42,2 kilomètres par tour ! Pour un total de 100 miles, ou vraiment 130 miles (210 km).
Chaque tour comprend également 12 000 pieds de montée et de descente, pour un total de 120 000 pieds (36 000 m) de dénivelé. Cela équivaut à gravir et descendre le mont Everest… DEUX FOIS ! Les deux premiers tours se font dans le sens des aiguilles d’une montre, les deux suivants sont dans le contraire. Pour ce qui est du dernier tour ça dépend, le premier coureur a entamé le 5e tour choisi le sens qu’il veut aller… le suivant doit aller dans le sens contraire et ainsi de suite. C’est relativement rare que les coureurs atteignent le 5e tour.

Autres exigences
La course commence entre minuit et midi le jour de l’événement, on signale une heure avant la course en soufflant dans une coquille de conque (conch shell). La course débute lorsque le directeur de la course Laz allume une cigarette devant la fameuse clôture jaune qui est le point de départ et d’arrivée de chaque tour du parcours. En plus de courir, les participants doivent trouver entre 9 et 14 livres sur le parcours (le nombre varie d’une année à l’autre) et ils doivent retirer la page correspondant à leur dossard pour prouver qu’ils ont trouvé le livre. Chaque tour, les concurrents reçoivent un nouveau numéro de dossard et doivent donc retrouver les livres pour arracher la page correspondante. À ceci s’ajoute des barrières horaires pour chaque tour, soit 12 h par tour pour un total de 60 h. Une « Fun run » est accepté si elle est moins de 40 h. Une fois qu’un concurrent entame une boucle, il n’est pas autorisé à recevoir d’assistance, sauf de la part des autres coureurs sur le parcours jusqu’à ce qu’il termine cette boucle. Habituellement, une course en sentier permet l’assistance extérieure et offre également des points de ravitaillement avec de la nourriture… dans ce cas-ci, on offre que de l’eau au sommet de l’une des montagnes du parcours.
La Barkley demande également des connaissances en orientation puisque les GPS et altimètres sont interdits et que le parcours n’est pas balisé. Les participants doivent donc se fier à leur carte et leur boussole. Par conséquent, pour triompher à la Barkley il faut savoir s’orienter correctement, supporter le manque de sommeil et les différentes conditions météorologiques, et être préparé mentalement. Finalement, lorsqu’un coureur abandonne la course, un clairon joue « Taps » à son retour à la clôture jaune. Taps est une sonnerie militaire de l’armée américaine jouée pour l’« extinction des feux », et aussi lors de la « descente du drapeau » ou aux funérailles. Finalement, lorsqu’un coureur termine la course il doit appuyer sur le fameux bouton « That was easy » de chez Staples.

La Barkley Marathon c’est plus qu’une simple course, elle frôle l’impossible, c’est le défi d’une vie ! Sa popularité vient de sa difficulté et de son secret, peu de coureurs ont la chance de terminer ou même de participer à cette course digne d’un film hollywoodien… mais je vous assure que l’envie masochiste de participer à cet événement est le rêve de bien des coureurs en sentier !
Envie d’en apprendre plus? Il y a un documentaire intitulé : The Barkley Marathon : The race that eats it’s young qui donne un excellent clin d’œil à cet événement mythique du Tennessee.